Une Torontoise est condamnée à trois ans de prison pour «fraude à l’identité inuite»

IQALUIT — Une Torontoise a été condamnée à trois ans de prison après avoir faussement affirmé que ses deux filles étaient inuites afin d’obtenir frauduleusement des milliers de dollars en prestations.

«Il s’agit d’un exemple flagrant d’exploitation des Autochtones», a déclaré jeudi la juge Mia Manocchio, de la Cour du Nunavut, lors de l’audience de détermination de la peine de Karima Manji.

«Le cas de Mme Manji doit servir de signal à tout futur soi-disant Autochtone que la fausse appropriation de l’identité autochtone dans un contexte criminel entraînera une peine sévère.»

La juge Manocchio a effectivement prononcé une peine plus sévère que ce que recommandait la Couronne, soit de 18 mois à deux ans de détention.

L’organisme Nunavut Tunngavik, qui supervise l’inscription des Inuits dans le cadre de l’accord de revendication territoriale du territoire, croit qu’il s’agit du premier cas de fraude de ce type sur le territoire nordique. Ce serait aussi la première fois qu’une personne est emprisonnée pour un tel crime au Nunavut.

«La juge Manocchio a créé un précédent avec sa décision d’aujourd’hui, indiquant clairement aux fraudeurs potentiels que l’usurpation d’identité autochtone ne sera pas tolérée», a indiqué la présidente de l’organisme inuit, Aluki Kotierk, dans un communiqué.

Des cartes pour ses jumelles

L’inculpée Manji, qui n’est pas Inuite, avait plaidé coupable en février à un chef d’accusation de fraude d’une valeur de plus de 5000 $. En 2016, elle avait demandé des cartes d’inscription pour ses filles jumelles, affirmant faussement leur statut d’Inuit, et les rendant ainsi admissibles à des prestations.

Les jumelles – Nadya et Amira Gill – étaient nées à Mississauga, en Ontario; elles étaient alors sur le point d’avoir 18 ans. Dans sa demande, Mme Manji avait déclaré que les filles étaient inuites, que leur mère biologique était Kitty Noah, une Inuite, et qu’elle-même était leur mère adoptive.

Le tribunal a appris que les jumelles Gill avaient ensuite utilisé les cartes d’inscription pour recevoir des avantages monétaires de deux organismes. Pendant plus de deux ans, à compter de septembre 2020, les sœurs ont reçu au total plus de 158 000 $.

Kitty Noah est décédée depuis. L’affaire a été révélée lorsque sa famille a fait part de ses inquiétudes concernant Manji, les jumelles et leurs faux liens familiaux.

Les accusations déposées contre les deux jeunes femmes ont été abandonnées lorsque Manji a plaidé coupable. Le tribunal a appris que les jumelles ignoraient que leurs cartes avaient été acquises frauduleusement.

Noah Noah, le fils de Kitty Noah, a déclaré au tribunal que sa mère était une femme aimante, attentionnée et bienveillante dont on avait profité.

La juge Manocchio a déclaré que les actions de Manji étaient une insulte à la famille Noah. Elle a ajouté que les sœurs Gill avaient également été victimes de la tromperie de leur mère, affirmant que leur vie et leur carrière avaient été compromises par ce crime.

Mme Manji, qui a déjà restitué 130 000 $, a été condamnée à rembourser le solde.

Son avocat, J. Scott Cowan, a fait valoir que sa cliente avait l’intention de restituer intégralement la somme, que son crime n’impliquait pas une tromperie «astucieuse ou prolongée» et que les fonds avaient été utilisés à des fins académiques plutôt que par cupidité ou pour soutenir un style de vie somptueux.

Me Cowan avait recommandé une peine d’emprisonnement avec sursis, ou de neuf à 12 mois de prison. Dans un courriel envoyé après le prononcé de la peine, il a soutenu «que les caractéristiques uniques de cette affaire avaient conduit la juge à imposer une peine exemplaire».

Le Service des poursuites pénales du Canada, responsable des poursuites criminelles au Nunavut, a déclaré que cette sentence «avertira ceux qui seront tentés à l’avenir de ce qui les attend s’ils tentent de faire de telles fausses déclarations».

Manji avait un casier judiciaire pour fraude. En août 2017, elle a été condamnée à une peine d’emprisonnement avec sursis de deux ans moins un jour, suivie d’un an de probation, pour fraude de plus de 5000 $.