L’accès au régime de soins dentaires élargi aux enfants et aux personnes handicapées

OTTAWA — Lorsque le gouvernement a annoncé pour la première fois que les personnes handicapées auraient accès à une couverture dentaire nationale cette année, Antonella Giordano a commencé à espérer ne plus payer de sa poche pour prendre soin de ses dents.

La Montréalaise de 61 ans est en invalidité de travail depuis plus d’une décennie pour des raisons liées à sa santé mentale.

Mais elle a appris plus tard qu’elle ne pourrait pas accéder à la couverture sans être d’abord admissible au crédit d’impôt pour personnes handicapées – un processus qu’elle trouvait presque impossible à suivre.

Jeudi, le gouvernement a élargi l’éligibilité à son nouveau programme de soins dentaires aux enfants de moins de 18 ans non assurés à revenus faibles et moyens et aux personnes bénéficiant d’un crédit d’impôt pour personnes handicapées.

Même si elle a demandé le certificat de crédit d’impôt, Mme Giordano doute qu’elle l’obtiendra et s’attend à ne pas être admissible à la couverture dentaire.

«Il faut pratiquement franchir des obstacles, et même mes médecins ont dit la même chose», a-t-elle déclaré jeudi.

Le gouvernement estime que 1,2 million de personnes supplémentaires pourront désormais accéder au programme. Le fait de baser l’éligibilité des personnes handicapées sur le crédit d’impôt a cependant été dénoncé, car cette façon de faire pourrait empêcher un grand nombre de personnes ayant besoin de ce service de s’en prévaloir.

Ce sera le cas jusqu’à ce que l’éligibilité au programme soit pleinement élargie pour inclure toutes les personnes répondant aux critères de revenu en janvier 2025.

«Quelqu’un qui gagne peut-être 3000 $ par mois en cas d’invalidité et qui possède le certificat est éligible aux soins dentaires (…) et ironiquement, quelqu’un en situation d’invalidité qui gagne, disons, 1000 $ par mois n’est pas éligible parce qu’il n’a pas de certificat», a déploré Mme Giordano, qui a qualifié les critères d’insultants.

«Comment diable est-ce juste ?»

Le ministre fédéral de la Santé, Mark Holland, a défendu l’approche progressive de son gouvernement visant à mettre en place le programme au cours de l’année.

Cette stratégie a été négociée avec les néo-démocrates dans le cadre d’un pacte politique visant à empêcher des élections anticipées. Les deux partis fédéraux ont indiqué qu’un lancement plus lent faciliterait le processus à mesure que le gouvernement mettait le programme sur la bonne voie.

«L’étendre à tout le monde est un grand défi, et chaque personne qui reçoit des soins auxquels elle n’avait pas accès auparavant représente [une] victoire», a déclaré M. Holland lors d’une conférence de presse à Winnipeg, jeudi.

Le gouvernement a récemment été critiqué pour ses promesses excessives et ses résultats insuffisants concernant une nouvelle prestation d’invalidité qui, selon les libéraux, permettrait de sortir des centaines de milliers de personnes handicapées de la pauvreté.

Le budget a révélé que le programme devrait aider 25 000 personnes à sortir de la pauvreté en fournissant un maximum de seulement 200 $ par mois aux personnes handicapées à faible revenu.

Comme le régime de soins dentaires, la prestation s’appuie sur le certificat de crédit d’impôt pour personnes handicapées pour déterminer l’admissibilité.

«Que vont faire les gens avec de bonnes dents s’ils n’ont rien à manger ?» a demandé Rabia Khedr, directrice de l’organisme Le handicap sans pauvreté.

«Nous devons reconnaître cette réalité: les personnes handicapées d’aujourd’hui ont besoin de nourriture, elles ont besoin d’un toit au-dessus de leur tête», a-t-elle poursuivi.

Chevauchement

Plusieurs provinces offrent déjà une couverture dentaire aux personnes handicapées, ce qui soulève des questions sur la façon dont les différents régimes gouvernementaux fonctionneront ensemble.

Les réponses restent floues, même si M. Holland a déclaré qu’il se coordonnait avec les gouvernements provinciaux et territoriaux pour en faire une «expérience transparente» pour les patients.

Jusqu’à présent, le gouvernement ne finance que des soins relativement simples, mais les procédures plus complexes nécessitant une autorisation devront attendre au mois de novembre.

Jusqu’à présent, plus de 200 000 personnes ont déposé une demande dans le cadre de ce programme.

Mark Holland s’attend à ce que le programme résiste à l’épreuve du temps.

Le chef du NPD, Jagmeet Singh, a accusé les conservateurs de vouloir supprimer le régime.

Un porte-parole conservateur n’a pas voulu confirmer ou infirmer les intentions de son parti s’il venait à former le prochain gouvernement.

«Bien que la grande majorité des Canadiens ne soient même pas admissibles à ce soi-disant programme « universel », ceux qui y sont admissibles ne peuvent pas obtenir les soins dentaires dont ils ont besoin chez le dentiste de leur choix et paient encore souvent de leur poche», a affirmé jeudi le porte-parole conservateur en matière de santé, le Dr Stephen Ellis.