Qu’est-ce qui fait sortir les champignons?
CHRONIQUE. J’en ai marre ! Je m’en vais! Quand on en a assez, quand on est tanné, quand on voit qu’on va manquer de ressources, quand on étouffe de vivre où l’on vie, quand on se sent menacé ou en danger… On décide de partir, n’importe où… mais loin d’ici.
Aussi ludique qu’elle soit, la cueillette est bien plus agréable lorsqu’on trouve des champignons, et combien plus agréable lorsqu’ils sont gastronomiques. Il faut être chanceux ou miser sur la stratégie.
Vous comprenez maintenant que le titre de cet article est « Qu’est-ce qui fait sortir les champignons?» Réponse : Tout ce qui pourrait déranger suffisamment le mycélium.
Se transformer en psychologue des mycéliums
Lorsque je suis dans les bois, j’essaie d’écouter les mycéliums. On les entend parfois… j’en ai marre… je n’aime plus ça ici… je manque d’air… de lumière, d’humidité, je me fais bousculer, et puis… dans un grand élan de liberté, ils décident de partir s’établir ailleurs. Ils fructifient… ils produisent des carpophores (la partie qu’on voit sortir du sol, les champignons). Chacun de ces champignons va porter des milliards de spores, des semences de mycélium.
Le mycélium de shiitake produit mieux lorsqu’on lui coupe l’oxygène (asphyxie) et le trempant dans l’eau fraiche (variation température), et qu’on simule une branche d’un arbre mort qui tombe au sol (vibration mécanique). Des sols plutôt acides voient leur pH augmenter après les feux de forêts. Ceux-ci produiraient des cendres qui modifieraient le pH du sol (équilibre acide/base). Les feux de forêts sont majoritairement allumés par la foudre (courant électrique dans le sol). Est-ce cette combinaison qui fait partir des morilles de feux ?
Le strophaire rouge-vin ne fructifiera pas sans qu’une bactérie l’envahisse (activité bactérienne).
Plusieurs autres raisons sont envisageables : manque de nourriture (pénurie de carburant), variation de luminosité (radiation solaire diurne), couleur de la lumière (longueur d’onde), Photopériode (longueur de la journée), taux d’humidité (hydratation et matériaux de base), gel et variations de températures, rayonnement radioactif (radiations nucléaires), pleine lune (ions et radiations solaire nocturne), stress chimique, compétition avec un autre mycélium… on peut en imaginer beaucoup encore (orage solaire magnétique, bruit cosmique…), et il est fort probable que toutes nos hypothèses soit véridiques.
J’ai proposé à un cultivateur de champignon de mettre de la musique dans sa salle de fructification, puis nous avons ris. Mais il m’est revenu avec une étude faite en salle de production, avec 5 ambiances sonores différentes (Rock’n Roll, Heavy Metal, Classique, Pop et silence). L’étude mentionne que les musiques qui brassent plus on augmentées de 15 à 30% la production de champignons. Les mycéliums n’apprécient pas le Rock’n Roll ni le Heavy Metal, mais tolèrent bien le silence ou le classique.
La Mycosylviculture, agir en forêt pour aider les mycéliums à produire des champignons
La culture de la forêt pour les champignons est encore peu pratiquée. J’ai démarré plusieurs techniques expérimentales chez moi.
Premièrement, j’ajoute à ma forêt déjà très champignonneuse, des stations de cultures de champignons par ici et par là pour agrémenter les sentiers mycologiques. On appelle ceci la culture en milieu forestier, ou la culture sous couvert forestier.
Deuxièmement, je me transforme en psychologue de mycélium afin d’aider ceux-ci à prendre leur décision de quitter, et de produire des carpophores. Pour ce faire, je transporte un réservoir d’eau dans le sentier jusqu’aux endroits où j’arrose pour créer des pluies artificielles. Ainsi je peux doser une pluie faible, moyenne, forte, ou diluvienne. Je peux y retourner plusieurs fois en peu de jours et imiter dame nature en matière d’irrigation même en période sèche.
Je ne peux pas vraiment changer la longueur des journées, ni la température, comme il m’est impossible de faire jouer du Heavy Metal dans la forêt, mais je peux influer sur l’humidité ambiante en mettant des bâches au sol pour éviter l’évaporation excessive. Je ne peux pas foudroyer le sol, et je ne désire pas créer un feu, mais je peux électrifier le sol (machine portative expérimentale), ou ajouter des cendres venant d’ailleurs.
Les sentiers sont tellement utiles
Outre la possibilité d’irriguer la forêt, le simple fait de créer des sentiers, et d’y circuler, sera favorable à la prolifération des spores, et la fructification des mycéliums. Pour les vibrations mécaniques, le dynamitage est la façon extrême. À petite échelle, la circulation des chevaux au trot ou au galop provoque plusieurs petites vibrations. De plus, les fanons (poils des pieds des chevaux) sont d’excellents transporteurs de spores. Il en va de même pour tous les animaux de la forêt… ours, renards, lièvres, orignaux, chevreuils… ceux-ci vont préférer circuler dans le beau sentier, répandant les spores qui s’y seront accrochés un moment à leur pelage.
Évidemment, il sera difficile de mesurer l’impact de toutes ces pratiques. Alors, on en profite pour se divertir en circulant à VTT, à cheval, à pieds, éventuellement en vélo de montagne ou Fat Bike.
Chez moi, la mycosylviculture passe par le développement de nouvelles techniques expérimentales, de machines expérimentales, tout en s’appuyant sur les pratiques éprouvées et les théories bien documentées.
À plus tard, je dois aller pleuvoir sur mes chanterelles !