La cueillette des champignons en hiver?
CHRONIQUE. Le chaga, du nom savant de « inonotus obliquus », ou encore le « polypore oblique » est une carie (formant un chancre) qui pénètre l’écorce abimée d’un bouleau jaune (merisier) ou d’une autre espèce de bouleau. Il se cueille l’hiver sur un arbre vivant. On ne récolte pas tout, car cette maladie du merisier peut vivre plusieurs années sur l’arbre avant de le faire mourir. Dans quelques saisons, vous allez pouvoir le récolter à nouveau.
Comment se fait-il que ce gros amas de liège dur soit bon pour ses aspects médicinaux ? Voici ce qui se passe dans la vie de ces deux amis-ennemis.
L’arbre veut vivre et se protège tant qu’il le peut des attaques des bactéries, des levures, des champignons, des virus, des mousses et lichens auxquels il est exposé. Le verglas et les fortes précipitations de neiges peuvent aussi l’endommager. Si une branche se casse et s’arrache de l’arbre, elle laissera une plaie. L’arbre va tout mettre en œuvre pour guérir cette plaie.
Le bouleau jaune ne se laisse pas attaquer facilement par les champignons en général. Cependant, quelques espèces de champignons réussissent à vivre à ses dépens. C’est le cas du chaga.
Les spores (de toutes petites semences semblables à de la poussière) qui volent dans l’air de la forêt viennent se déposer dans la blessure d’un merisier. Ils s’installent lentement, et commencent à manger, et à boire ce que l’arbre va envoyer dans la plaie pour la guérir. L’arbre va utiliser son système immunitaire pour se défendre. Il va pomper les meilleurs éléments de la terre pour tenter de repousser la maladie qui s’installe… c’est exactement comme quand vous attrapez un rhume parce que vous être trop fatigués ou faible.
Les arbres, et les mycéliums ont des systèmes immunitaires. Ils sont intelligents aussi. Ils savent s’adapter pour lutter plus efficacement. Nous assistons donc à une guerre qui s’échelonnera sur plusieurs années (de 5 à 20 ans) où un arbre avec ses ressources entrera en combat contre un mycélium avec ses ressources.
Le chancre du Chaga va grossir et l’arbre va lentement mourir. Cette relation est dite « paratisitique ». C’est une équation mathématique où le chaga devient vigoureux en enlevant la vie à l’arbre. Il profite de l’énergie de l’arbre à ses dépens. Rappelez-vous, «parasite » de l’hôte c’est-à-dire que : 1 + 1 == >1 + 0
Wow, nous voilà en train de philosopher à partir du cycle de la vie d’un arbre et d’un champignon.
En tisane!
Donc, lorsque le chancre est cassé en petits morceaux ou réduit en poudre, nous pouvons nous faire des tisanes en décoctions à 80 deg. Celsius, même à plusieurs reprises, les morceaux du chancre. Même une fois les composés hydrosolubles complètement épuisés et ne donnant plus de couleur à l’eau chaude, je continue les extractions médicinales dans de l’alcool pur et il y a encore beaucoup de teinture qui réside dans les résidus de l’extraction à l’eau. Il s’agit des composés liposolubles pour me fabriquer des teintures mères.
Ça goûte quoi ? C’est difficile à décrire, une odeur légère, un goût boisé rappelant la saveur boisée du sirop d’érable ou plus précisément du réduit. Tous ceux à qui j’ai fait goûter ont été surpris comme il est agréable de boire un jus de champignons.
Ça donne quoi comme médecine ? Comme l’arbre s’est défendu à son meilleur, il a envoyé la meilleure médecine dans la plaie et le chaga s’en est servi comme nourriture. Il l’a concentrée à ses fins. Pour ceux et celles qui aimeraient lire sur le sujet, un excellent livre intitulé « Chaga en vrai » a été rédigé spécifiquement sur ce sujet par Roger Larivière (biologiste) en collaboration avec Isabel Desgagné-Penix (doctorante en biologie moléculaire et chimique, enseignante à l’UQTR). Toutes les bibliothèques municipales et scolaires de la Mauricie (et du Québec) devraient vous proposer cet ouvrage. Il y est mentionné que le chaga possède des propriétés suivantes : modulation du système immunitaire, anti-inflammatoire, diminution des allergies, anti-hypertension, antidiabétique, anti-cancéreux, antioxydant, antiviral, fournit des vitamines (B2, B3, B5, D, K) et des minéraux (silicium, cuivre, fer, aluminium, manganèse, magnésium, sodium zinc, potassium).
À la semaine prochaine !
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Stéphane Lamanna est un mycologue amateur de Grandes-Piles et membre du Cercle des mycologues de Lanaudière et la Mauricie. Au fil de ses chroniques, il souhaite partager sa passion de l’étude des champignons et de leurs propriétés insoupçonnées.