Le réseau des CPE face à des enjeux qui limitent son développement
MAURICIE. L’Association québécoise des centres de la petite enfance (AQCPE) se dit préoccupée par la vision du gouvernement en matière de développement des services de garde éducatifs. « Il semble que l’objectif soit de créer des places subventionnées le plus rapidement possible et au moindre coût possible », soulève l’AQCPE. Toutefois, avec les enjeux auxquels font face les centres de la petite enfance, dont la pénurie de main-d’oeuvre, les responsables des CPE s’inquiètent.
« Il y a une pénurie d’employés, mais aussi d’employés formés. Parfois, on a des gens, mais ils ne sont pas formés. Il faut trouver notre équilibre entre la formation en invitant les gens à suivre le cours », souligne Nathalie Hébert, directrice générale du CPE Le Cheval Sautoir.
« Il faut attirer plus de gens vers la profession, puis de façon formée. En parallèle, il y a aussi eu un boom de développement. Le ministère nous a ouvert grand les portes pour développer, de sorte qu’on est plusieurs en même temps à développer nous installations. Il y a plusieurs CPE qui ouvrent et les cohortes de gens qui sortent des études se diluent dans plusieurs endroits », ajoute Marie-Claude Lemieux, directrice générale affaires publiques et gouvernementales à l’AQCPE.
Le problème est exacerbé par l’exode des éducatrices du réseau des CPE vers le milieu scolaire.
« Pour un même poste, le même type d’emploi, une éducatrice spécialisée reçoit le même salaire dans le réseau de la santé et celui de l’éducation. Par contre, dans le réseau de la petite enfance, ça peut être 5$ de moins de l’heure. Ça fait en sorte qu’on perd beaucoup d’éducatrices qualifiées. On le constate dans toutes les régions. On en voit beaucoup qui quittent pour un poste d’aide à la classe au primaire. Elles y ont un salaire plus élevé avec des conditions favorables et n’ont pas la charge mentale de gérer les parents », indique Mme Lemieux.
Le salaire moindre des éducatrices dans le milieu de la petite enfance représente aussi un enjeu majeur qui nuit à la rétention du personnel dans le réseau.
« Encore cette semaine, j’ai rencontré deux éducatrices pour travailler. Quand elles ont vu l’échelle salariale de l’échelon 1 de 18,55$ de l’heure pour une éducatrice non formée et de 21,60$ pour une éducatrice formée, elles ont finalement décliné, raconte la directrice du CPE Le Cheval Sautoir. Je suis gênée de parler de l’échelle salariale quand on me pose la question. »
Valoriser les services éducatifs à la petite enfance
La solution passerait par une meilleure valorisation des services éducatifs à la petite enfance, estime Mme Lemieux. « Pourquoi un enfant de trois ans serait moins important qu’un enfant d’âge scolaire, alors qu’on sait que c’est en petite enfance qu’on peut faire la plus grande différence? », questionne-t-elle.
« On a perdu de vue que ce qu’on fait, c’est aussi de l’éducation. On a perdu de vue qu’on prépare les petits cerveaux de demain. Le développement moteur et social, c’est ça qui prépare l’enfant pour la suite », ajoute Mme Hébert.
Marie-Claude Lemieux mentionne que, pour répondre aux besoins du milieu, 500 nouvelles éducatrices devront se joindre au réseau des CPE dans les deux prochaines années. Toutefois, elle rappelle qu’il est nécessaire de bien les entourer et les soutenir.
« Si on va juste chercher des éducatrices non qualifiées, qui n’ont ni les compétences ni les connaissances nécessaires, on vient alors diminuer la qualité des services et on augmente la charge sur les épaules des autres éducatrices, conseillers pédagogiques et gestionnaires pour les soutenir et les accompagner. C’est aussi de s’assurer que la personne ait le goût de revenir travailler le lendemain parce qu’elle se sent compétente. On doit mettre un filet de sécurité et du soutien autour du personnel », plaide-t-elle en ajoutant qu’il faut trouver une solution pour que plus de jeunes aient envie de compléter une technique d’Éducation à l’enfance.
Pas assez de ressources pour accompagner les enfants ayant des besoins particuliers
Les responsables de CPE trouvent aussi qu’il est difficile de bien accompagner les enfants ayant des besoins particuliers ou des handicaps dans le réseau, les ressources pour le faire n’étant pas suffisantes.
« Il y a de plus en plus d’enfants qui ont des besoins particuliers ou des handicaps et les milieux n’ont pas les ressources pour bien les accompagner. On n’a ni les ressources financières ni les ressources humaines pour bien les accompagner, lance la directrice générale du CPE Le Cheval Sautoir. On collabore bien avec le CIUSSS, mais ils ont aussi des listes d’attente à n’en plus finir. S’il y a deux ans d’attente pour un enfant de deux ans, il est pratiquement rendu à l’école quand il peut obtenir le service. »
« C’est lourd à porter pour le personnel qui sent l’injustice dans la situation, poursuit-elle. On les porte à bout de bras pour qu’ils se développent au mieux, sans les ressources financières et humaines nécessaires. Puis, tout d’un coup, un enseignant dit que ça presse et vu que c’est un enseignant qui le dit, c’est comme si c’était plus pris au sérieux. »
Il y a bien quelques éducatrices spécialisées à travers le réseau, mais pas suffisamment. Les CPE peuvent également faire une demande de mesures exceptionnelles.
« Pour y avoir accès, ça prend un rapport du professionnel pour pouvoir déposer le dossier au ministère, mais ça à refaire chaque année, explique Lucie Therriault, directrice générale du Regroupement des CPE Mauricie/Centre-du-Québec. Bien souvent, l’allocation reçue ne couvre pas tous les besoins de l’enfant. Par exemple, un enfant pourrait avoir besoin d’une personne pendant six heures chaque jour, mais l’allocation ne couvre que deux, trois ou quatre heures. La moyenne est plus autre d’une heure et demie à deux heures par jours pour un enfant qui a besoin d’une ressource pendant sept heures. »
Le droit à des services éducatifs à la petite enfance de qualité
Marie-Claude Lemieux souhaiterait voir une modification législative pour enchâsser le droit de chaque enfant, dès la naissance, à avoir accès à des services éducatifs à l’enfance de qualité.
« Ça ne veut pas dire d’obliger le parent à envoyer son enfant en CPE dès l’âge de six mois. C’est cette reconnaissance du droit de l’enfant qui pourrait faire une différence à long terme. L’enfant a le droit à une institution publique gratuite à l’école. Il devrait y avoir la même chose pour la petite enfance. On ne dira pas à un enfant qu’il n’ira pas à l’école une année parce qu’il n’y a plus de place à son école de quartier. On va lui trouver une place ailleurs, réorganiser les choses, s’ajuster pour qu’il puisse fréquenter une école. Là, dans notre réseau, on a des parents qui ne trouvent pas de place pour leur enfant. Il faut que ça bouge », conclut-elle.
En ce moment, 1242 enfants sont inscrits au guichet unique de la Place 0-5 en Mauricie.