Le conseil des maires de la MRC de Mékinac prend fin abruptement

Le maire de Saint-Adelphe, Paul Labranche, a quitté la table du conseil en pleine séance publique mercredi soir à la suite du commentaire d’un conseiller municipal de Hérouxville présent dans l’assistance qui tentait de faire taire un citoyen venu manifester son appui au projet éolien de TES Canada.

M. Labranche a été imité par la majorité des autres maires et mairesses laissant seuls la préfète et mairesse de Grandes-Piles, Caroline Clément, et le maire de Hérouxville, Michel Tremblay. Devant l’absence de quorum causé par le départ des huit élus, l’enregistrement vidéo de la séance a été interrompu, mais Mme Clément et M. Tremblay ont continué de discuter avec les citoyens pendant près de 45 minutes.

Intervention d’un citoyen

Luc Dupuis habite à Sainte-Thècle. Il s’est présenté au conseil pour se prononcer en faveur du projet de TES Canada.

« Je suis borné quasiment par la rivière Batiscan où ils veulent implanter des éoliennes. Je trouve que c’est un projet de proximité d’énergie propre, d’électricité propre, de gaz propre et ils vont aider les agriculteurs avec ça. Il va y avoir des retombées pour les agriculteurs. Ce sont toujours eux qui sont les premiers à avoir des problèmes avec les catastrophes climatiques. Donnez-nous des revenus et faites une belle énergie propre, de proximité, moins de pollution. Je ne comprends pas pourquoi les gens s’obstinent. »

Une dame qui ne s’est pas identifiée a applaudi en disant: « Merci monsieur, je vous appuie. C’est juste une gang de chialeux et les positifs ne sont jamais ici. »

La préfète a dû intervenir pour que M. Dupuis puisse poursuivre son intervention.

« On nous demande de s’approvisionner dans la région, d’acheter local. On a de l’énergie propre, locale, ce n’est pas polluant. Peut-être quand ils vont construire mais après, l’électricité va être produite par le vent. »

Des citoyens tentaient de lui répliquer, dont le conseiller de Hérouxville, Yvan Bordeleau, qui faisait valoir que l’Union des producteurs agricoles s’opposait au projet. Mme Clément a tenté de le faire taire, sans succès. Le maire de Sainte-Thècle, Éric Blouin, a alors interpelé le conseiller.

« En tant que conseiller, tu dois savoir comment ça fonctionne? Montre-nous donc ça pis lève la main si tu as une question à poser. »

Devant le brouhaha, M. Dupuis est calmement sorti de la salle. « On m’a coupé, je m’en vais. Bonne soirée. »

C’est à ce moment que le maire de Saint-Adelphe, Paul Labranche, a rassemblé ses effets personnels en annonçant qu’il quittait.

« On va écouter tout le monde ici. C’est pas vrai que ça va se passer de même. Je quitte. Depuis le début, quand il y a quelqu’un qui vient ici dans la salle et qui s’exprime, qu’il soit pour ou qu’il soit contre, on vous a toujours écouté. Quand il y a quelqu’un qui est pour, ce que vous faites, vous lui closez le bec comme vous venez de faire. »

L’assemblée a été levée, le quorum n’étant plus respecté.

« La démocratie, mon cher monsieur, c’est quand on écoute tout le monde. On écoute tout le monde ici », a conclu M. Labranche en quittant en même temps que sept autres maires et mairesses.

Réaction de la préfète

Un peu plus tard, au cours de l’échange qui se poursuivait entre la préfète, le maire de Hérouxville, les citoyens et le directeur du service d’aménagement du territoire de la MRC, Louis Filteau, Mme Clément a tenté une explication sur le départ de ses collègues, évoquant un certain ras-le-bol que des élus peuvent ressentir à force de se faire invectiver à tout moment à propos du dossier des éoliennes.

« Je comprends pourquoi ils sont partis en bloc. Avec vous, on se voit deux fois par mois: dans nos séances de conseil respectif et à la MRC. Mais tout le reste du mois, on vit des situations conflictuelles, des climats toxiques, des citoyens anxieux. La tolérance, il y en a de moins en moins, voire plus pantoute. Je l’ai vécu dans les deux derniers mois dans différentes sphères de la vie: milieu hospitalier, dans les écoles, même dans des salles de spectacle. Les gens n’ont plus de respect. On est tout le temps obligé d’argumenter sur ce qu’on fait, on est vraiment sous la loupe. On est toujours dans la justification de ce qu’on fait, pourquoi, comment. On est tous fatigués pour des contextes particuliers et différents. Il y en a qui vivent des déficits monstres, il y en a qui sont en train de tricoter sur les budgets qui s’en viennent. Sur les éoliennes, au quotidien, il y en a, certains plus que d’autres, qui se font « varloper » solide à cause de ce projet-là qui ne nous appartient pas. »

Elle sent que les élus municipaux sont coincés entre les opposants, les promoteurs et les orientations du gouvernement du Québec.

« J’aimerais ça que ce soit TES Canada et le gouvernement qui le défendent. Tout ce que vous nous dites, vous devriez donc aller le dire aux bonnes personnes. On fait l’épicerie, on est au dépanneur, n’importe où… Hier matin, j’attendais l’autobus avec ma fille. Il a fallu que je regarde un voisin et que je dise: « Je m’excuse, il est sept heures moins deux, peux-tu me donner un break? ». On vit ça au quotidien depuis des mois. »

Les élus doivent se tenir informés afin d’être en mesure de répondre à toutes les questions des citoyens qui s’informent également de leur côté.

« On les connait les études qui sortent, on l’a suivi le projet de loi 69 avec les règles qui changent, on les connaît les OGAT (orientations gouvernementales en aménagement du territoire). On essaie de jongler avec ça et on essaie de faire la meilleure job qu’on peut avec ce qu’on a, et malgré tout, dans la quotidienneté des élus, on se fait ramasser sans arrêt pour mille sujets. Ce sujet-là c’est devenu à fleur de peau. »

Dépôt d’une pétition

Au début de la période de questions, la présidente de Vent de démocratie de Saint-Adelphe, Nathalie Lefebvre, a déposé une pétition contre l’implantation du parc éolien de TES Canada sur le territoire de la municipalité de Saint-Adelphe.

« Pour vous donner une idée de grandeur, lors de l’élection municipale de Saint-Adelphe en 2021, 886 personnes étaient inscrites à la liste électorale et 530 personnes se sont prévalues de leur droit de vote. M. Paul Labranche a remporté la mairie avec 374 voies. Notre pétition récolte à ce jour 410 signatures. »

Consulter la population

Devant la demande constante de citoyens réclamant la tenue d’un référendum dans les MRC de Mékinac et des Chenaux sur le Projet Mauricie, la préfète Clément a laissé entrevoir la possibilité que la population soit consultée, mais d’une autre façon.

« Il y a d’autres avenues qu’on est en train de regarder pour savoir de quelle façon on va tâter le pouls de la population. On ne peut pas juste demander aux gens: Êtes-vous pour ou contre les éoliennes. Un référendum n’est pas nécessairement représentatif d’un projet de cette ampleur-là, parce que c’est un oui ou c’est un non et ça finit là. C’est quand même plus complexe que ça. »

Entre-temps, un règlement de contrôle intérimaire de remplacement devrait normalement être adopté à la prochaine séance publique du 27 novembre après que la MRC eut apporté les modifications demandées par les différents ministères.