Québec autorisera les demandes anticipées d’aide médicale à mourir dès le 30 octobre
MONTRÉAL — Québec va autoriser les demandes anticipées d’aide médicale à mourir (AMM), sans attendre qu’Ottawa modifie son Code criminel.
Les dispositions de la Loi modifiant la Loi concernant les soins de fin de vie et d’autres dispositions législatives visant les demandes anticipées d’aide médicale à mourir, entrera en vigueur le 30 octobre 2024, ont annoncé samedi la ministre responsable des Aînés et déléguée à la Santé, Sonia Bélanger, et le ministre de la Justice et Procureur général du Québec, Simon Jolin-Barrette.
«Conformément à la Loi, une personne ayant un diagnostic de maladie grave et incurable menant à l’inaptitude à consentir aux soins pourra formuler une demande anticipée d’aide médicale à mourir», précise leur communiqué.
La nouvelle mouture de la loi québécoise sur l’AMM a été adoptée le 7 juin 2023 et elle permettra les demandes anticipées pour les personnes atteintes d’une maladie grave et incurable, comme l’Alzheimer.
Le ministre de la Justice et Procureur général du Québec, Simon Jolin-Barrette, a demandé au Directeur des poursuites criminelles et pénales (DPCP) «de tenir compte du large consensus québécois sur la question des demandes anticipées d’aide médicale à mourir et de s’assurer que les conditions prévues à la Loi concernant les soins de fin de vie soient respectées lors de sa décision de porter ou non des accusations criminelles».
À la suite de la nouvelle orientation prise par le ministre, le directeur des poursuites criminelles et pénales a annoncé samedi matin son intention d’émettre une instruction à l’intention des procureurs aux poursuites criminelles et pénales.
«Cette instruction indiquera qu’il ne serait pas dans l’intérêt public d’autoriser le dépôt d’une poursuite criminelle en lien avec un décès survenu dans le contexte de l’aide médicale à mourir, ou de laisser une poursuite privée suivre son cours, si l’analyse de l’ensemble de la preuve confirme que ce soin a été prodigué dans le respect des volontés relatives aux soins exprimées de façon libre et éclairée, considérant les conditions prévues à la Loi concernant les soins de fin de vie (RLRQ, c. S-32.0001)», indique un communiqué du DPCP.
«L’instruction prévoira aussi que tout dossier impliquant un décès survenu dans le contexte de l’aide médicale à mourir qui pourrait être soumis au DPCP devra être porté à l’attention personnelle du directeur afin que ce dernier puisse déterminer le processus décisionnel approprié.»
Le directeur du DPCP, Patrick Michel, a déclaré que les procureurs n’interviendront que lorsqu’une enquête policière aura eu lieu ou qu’une plainte aura été déposée selon laquelle les souhaits d’une personne n’ont pas été respectés conformément à la loi, par exemple, si une personne avait été contrainte.
Interrogé sur la légalité de la décision de Québec, puisqu’Ottawa n’a toujours pas modifié le Code criminel, M. Michel a expliqué que les procureurs continueront d’appliquer la loi québécoise jusqu’à ce qu’Ottawa intervienne et prenne des mesures.
«On est un organisme qui applique la loi, on doit tenir pour acquis que la loi provinciale est valide, et on va en tenir compte dans nos décisions», a affirmé M. Michel à La Presse Canadienne, en entrevue.
«Pour faire obstruction à l’application de la loi provinciale, il faudrait que le gouvernement fédéral entreprenne un recours contre la légalité de la loi, puis il faudrait qu’il convainque un juge de suspendre l’application de la loi le temps que le tribunal se prononce sur la validité de la loi provinciale. Sinon, la loi est présumée valide tant qu’elle n’est pas invalidée», a-t-il ajouté.
Le Collège des médecins du Québec a réagi à l’annonce dans une publication sur le réseau social X, samedi après-midi. «Le Collège est favorable aux demandes anticipées pour des personnes avec un diagnostic de maladie neurodégénérative, qui ne pourraient consentir plus tard à l’AMM», peut-on lire.
«Nous déplorons qu’Ottawa n’ait pas encore modifié le Code criminel pour autoriser cette démarche bien balisée et qui fait consensus au Québec. Nous prenons acte de la directive du (ministère de la Justice) et analysons la protection conférée aux cliniciens», a ajouté l’organisation.
Le président de l’Ordre des infirmières et infirmiers du Québec, Luc Mathieu, a salué l’annonce de Québec dans une courte déclaration transmise par courriel.
«Les demandes anticipées permettront certainement aux Québécoises et Québécois qui répondent aux conditions d’obtenir les soins qui leur permettront de rendre leur dernier souffle avec dignité, a-t-il écrit. D’ici son entrée en vigueur, des enjeux demeurent à clarifier. Notre regard se tourne ainsi vers le gouvernement fédéral afin qu’il rejoigne rapidement le large consensus québécois.»
En février dernier, des ministres québécois ont interpellé le gouvernement fédéral pour qu’il modifie le Code criminel afin d’éviter que les professionnels de la santé qui administrent l’AMM dans le cadre d’une demande anticipée ne commettent une infraction criminelle.
«La question des demandes anticipées d’aide médicale à mourir fait largement consensus au Québec. Le gouvernement prend les moyens nécessaires pour assurer le respect des choix collectifs de la nation québécoise et permettre l’entrée en vigueur des dispositions de la Loi concernant les soins de fin de vie dûment adoptée par l’Assemblée nationale du Québec», a déclaré M. Jolin-Barrette.
«Notre Loi concernant les soins de fin de vie comprend des balises strictes et assure un encadrement rigoureux pour les personnes qui souhaitent formuler une demande anticipée d’aide médicale à mourir (…) Le Québec fait encore figure de leader dans ce domaine en prenant les moyens nécessaires pour faire respecter le droit des patients de mourir dans la dignité», a pour sa part souligné la ministre Sonia Bélanger.