« L’information est un bien public »

MAURICIE. Les syndiqués de la Fédération nationale des communications et de la culture ont profité de leur congrès à Trois-Rivières pour manifester devant les bureaux du ministère de la Culture et des Communications jeudi après-midi.

Quelques dizaines de travailleurs et travailleuses de l’information ont pris part au rassemblement afin de réclamer un plus grand soutien à l’information locale de la part des gouvernements.

« L’information n’est pas un bien comme un autre qu’on peut laisser se déliter par inaction, a déclaré la présidente de la FNCC affiliée à la CSN, Annick Charette. L’information est un bien public, essentiel à la vie démocratique. Le professionnalisme des travailleurs des salles de presse est un rempart vital contre la désinformation. L’information locale documente le présent et le passé d’un territoire donné, d’une communauté, en mettant en valeur l’activité culturelle, l’activité communautaire, le développement économique et même sportif. »

Le syndicat met de l’avant cinq mesures dont une taxe à l’achat des produits qui permettent aux citoyens de consommer l’information.

« On demande au gouvernement provincial d’instaurer un « info-frais », une taxe de 2 % sur l’achat des écrans, téléphones, tablettes, télévisions. Cette mesure nous semble légitime parce qu’il y a dix ans à peine, les gens investissaient en moyenne 50 $ par année pour l’achat d’information, maintenant c’est 10 $. Ça donnerait un montant d’à peu près 200 millions qui permettrait, dans un fonds dédié à l’information, de nourrir les médias plus petits qui ont besoin d’avoir cet apport-là pour pouvoir survivre. On pense que l’info-frais est une juste rétribution du consommateur-utilisateur. »

Pour certaines autres demandes, la Fédération interpelle non seulement le gouvernement provincial mais plus particulièrement les municipalités.

« Au niveau local, on demande aux Villes de se mobiliser et de déclarer de façon officielle qu’elles trouvent important le maintien de l’information. On demande aussi de doubler la déduction d’impôt pour les organisations qui achètent de la publicité dans les médias locaux. On demande aussi de renforcer le crédit d’impôt sur la masse salariale des médias d’information, l’étendre à tous les emplois dans les médias écrits et à toutes les salles de nouvelles des médias électroniques, tant radio que télévision. Et dernièrement, de se doter d’une réelle politique gouvernementale d’achat publicitaire, c’est-à-dire que les gouvernements, au niveau local, provincial et fédéral, fassent leurs achats publicitaires dans les médias locaux au détriment des GAFAM. »

Mme Charette a énoncé plusieurs raisons de s’inquiéter de la situation présente des médias d’information.

« Le nombre de MRC desservies par un média écrit est passé de 69 à 56. La population québécoise sans média est passée de 900 000 à 1 650 000. Et ça continue. Pourquoi? Parce que les GAFAM ont accaparé plus de 71 % des revenus traditionnellement dédiés à la presse écrite. Et les médias électroniques, dont la télévision, suivent maintenant avec une perte de 20 % dans les dernières années, et ça s’accélère. Pour la seule année de 2023, le monde médiatique québécois a perdu 1 150 emplois. Ce que nous souhaitons, ce sont des solutions qui vont stopper l’érosion. »

Le blocage des nouvelles sur Facebook par Meta au Canada préoccupe aussi Mme Charette.

« Il y a une grosse part d’éducation à faire parce que quand les gens me répondent qu’ils s’informent sur les médias sociaux, je me dis où est la source vérifiée? Parce que c’est le travail professionnel de nos gens qu’on met de l’avant. Nos journalistes, ce sont des gens qui ont un code d’éthique, qui font des recherches, qui vérifient des faits. Et il y a une grosse distinction aussi qui doit être faite: les journalistes d’information, ce ne sont pas des chroniqueurs. Les chroniqueurs ont des opinions, ils sont beaucoup présents dans nos journaux. Peut-être qu’on devrait s’interroger sur cet aspect-là des choses, parce qu’il y a de la confusion dans le public à cet égard-là, mais le travail vérifié des journalistes, c’est extrêmement important pour la démocratie, et c’est la seule façon de contrer la désinformation. »

La Fédération nationale des communications et de la culture a amorcé des discussions avec le gouvernement du Québec.

« Le ministre Lacombe a porté quand même une oreille attentive à la description qu’on faisait de la situation et aux mesures qu’on prône. Est-ce qu’il va les adopter? Je n’en sais rien mais je pense qu’il cherche des solutions. On les prendra toutes quand elles se présenteront. »