Drouin a l’appui des Franco-Ontariens; les conservateurs doutent qu’il soit un allié

OTTAWA — Le député franco-ontarien Francis Drouin, vigoureusement critiqué pour avoir insulté des chercheurs en comité, conserve l’appui de l’Assemblée de la francophonie de l’Ontario (AFO), qui le décrit comme un «allié» de leur cause, mais les conservateurs et les bloquistes doutent que ce soit le cas.

Dans une lettre transmise mardi à tous les membres du comité des langues officielles, le président de l’organisation, Fabien Hébert, assure que le député de Glengarry—Prescott—Russell a la francophonie canadienne «à cœur».

«Il a été un allié» dans l’obtention de l’Université de l’Ontario français et la modernisation de la Loi sur les langues officielles, écrit-il. De plus, selon M. Hébert, dont l’organisation se targue de représenter «795 760 Franco-Ontariens», le député Drouin assure «très bien» ses fonctions à la présidence de l’Assemblée parlementaire de la Francophonie (APF).

Or, le Parti conservateur du Canada et le Bloc québécois affirment désormais douter que M. Drouin soit vraiment un allié des francophones.

«J’ai un gros point d’interrogation aujourd’hui avec ce qui s’est passé lundi passé», a répondu mercredi le porte-parole conservateur en matière de Langues officielles, Joël Godin, lors d’une mêlée de presse.

Selon sa lecture, l’organisation franco-ontarienne défend le travail réalisé par M. Drouin avant les événements de la semaine dernière.

Son homologue bloquiste, Mario Beaulieu, juge pour sa part que sur le fond, même en faisant abstraction de la vulgarité des paroles prononcées, M. Drouin «ne défendait pas le français».

«Il y a un sous-financement des universités (…) francophones hors Québec et au Québec, a-t-il dit. Alors, moi, je ne vois pas pourquoi quand on le dénonce, qu’on fasse un constat de la situation au Québec, c’est des insultes. Nous, on est pour qu’on rétablisse la situation hors Québec et au Québec. Et je pense que M. Drouin s’est disqualifié comme un représentant de la francophonie.»

Il estime que cette «erreur monumentale» constitue une «agression», de «l’intimidation» et même du «Québec bashing».

Les deux témoins, un chercheur indépendant et un professeur de cégep, avaient expliqué, en s’appuyant sur des données de Statistique Canada, que lorsqu’un francophone ou un allophone fréquente une université ou un cégep anglophone, cela augmente significativement la probabilité qu’il mène sa vie en anglais.

M. Drouin a d’abord traité ces deux militants pour la protection du français d’«extrémistes», il leur a demandé s’ils croient sincèrement «que le gros problème de l’anglicisation au Québec c’est McGill et le collège Dawson» et a rajouté qu’ils sont «pleins de marde».

Le député s’est depuis excusé, mais la grogne ne s’est pas calmée pour autant. Certains ont réclamé sa démission comme président de la section canadienne de l’APF, qui se réunira en assemblée générale la semaine prochaine pour traiter de cette question.

Lors d’une réunion du comité permanent des langues officielles, mercredi, le secrétaire parlementaire du ministre des Langues officielles, Marc Serré, a qualifié M. Drouin de «fier Franco-Ontarien» et dénoncé les «jeux politiques» de «la coalition Bloc-conservateurs». Selon lui, il est temps de passer aux «choses importantes» pour la francophonie.

M. Serré a déclaré aux journalistes que son collègue s’est excusé pour son commentaire «clairement (…) inapproprié» qui n’est rien de plus qu’«un petit péché».

«C’est juste des séparatistes» qui affirment que M. Drouin est contre la protection du français, alors qu’il a, au contraire, défendu cette langue «toute sa vie», a-t-il poursuivi, non sans affirmer que le Bloc «n’aime pas le bilinguisme».

En marchant vers la salle où se tenait la réunion, le député Drouin a été invité par les journalistes à répondre à ceux qui affirment que ses propos signifient qu’il s’oppose à la protection du français.

«L’Assemblée de la francophonie de l’Ontario a sorti en disant que j’ai toujours été un défenseur, puis je suis d’accord», a-t-il dit. 

Les libéraux avaient remplacé plusieurs de leurs membres permanents par des Franco-Ontariens lors de cette réunion. L’un d’eux a même trouvé moyen de préciser que la Saint-Jean-Baptiste «est une journée très importante pour nous en tant que Franco-Ontariens».

«Je ne sais pas pourquoi l’artillerie est sortie pour défendre l’indéfendable», a lancé M. Godin.

Les conservateurs ont tenté, sans succès, de débattre d’une motion visant à ce qu’à terme M. Drouin soit retiré du comité et qu’il démissionne de l’APF en raison de ses propos «orduriers et offensants». Elle a été jugée non recevable.

Les débats qui viraient parfois à la cacophonie ont poussé le président du comité, René Arseneault, à demander à M. Godin, «avec votre belle voix de ténor», d’attendre son tour pour parler.

En quittant la réunion, M. Godin a tenté de discréditer le président du comité en le traitant de «président libéral» et en lui reprochant d’être «complice» de M. Drouin.

Les conservateurs promettent de revenir à la charge la semaine prochaine. En fait, le sujet sera à l’ordre du jour tant et aussi longtemps qu’il le faudra pour que M. Drouin «réponde de ses actes», a lancé le conservateur Bernard Généreux.

Au Bloc, Mario Beaulieu a jugé «inacceptable» que les libéraux «instrumentalisent» les communautés francophones hors Québec en les mettant en opposition avec celle du Québec qui est, elle, «une minorité dans le Canada».

M. Beaulieu a affirmé qu’il refuse que «ce type-là», en référence à M. Drouin, continue de représenter les francophones sur la scène internationale.