Taxe sur le numérique: Ottawa ira de l’avant, mais sera «raisonnable», dit Trudeau
OTTAWA — Le premier ministre Justin Trudeau soutient que son gouvernement sera «raisonnable» dans le dossier de la taxation des géants du numérique, promettant de «continuer de travailler avec les Américains» qui voient négativement cette mesure promise de longue date par le Canada et des institutions internationales.
«On sait qu’une taxe sur les géants du web pour le travail qu’ils font à l’intérieur d’une juridiction, c’est une bonne chose importante et on va être raisonnable», a dit mercredi M. Trudeau alors qu’il se rendait à une réunion de son caucus, sur la colline parlementaire.
Le gouvernement fédéral a évité d’inscrire dans le document de mise en œuvre de son énoncé économique la date butoir de janvier 2024 pour commencer à imposer les géants du numérique.
Une source gouvernementale bien au fait de ce dossier a affirmé mardi qu’il ne faut pas voir «un recul» dans l’absence d’échéance inscrite noir sur blanc dans cette motion de voies et moyens, assurant que la «volonté d’aller de l’avant rapidement» demeure.
Cette source, qui s’exprimait sous le couvert de l’anonymat afin de parler plus librement, a indiqué qu’il n’y a pas de mention de date afin d’ajouter une «flexibilité additionnelle» dans les discussions du Canada avec les États-Unis. On souhaite éviter certaines répercussions qui pourraient être imposées par l’administration de Joe Biden.
Questionné mercredi à savoir s’il existe un bras de fer avec les Américains ou même un risque qu’il y en ait un, M. Trudeau a répondu que son gouvernement «va toujours être en bonne discussion avec les États-Unis».
Des négociations ont cours, sur la scène internationale, avec l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) ainsi que les pays du G20 sur la mise en place d’un cadre multinational appelé, dans le jargon, le «pilier un».
Ottawa pourrait toutefois décider d’aller de l’avant de son propre chef, comme la ministre des Finances, Chrystia Freeland, l’a déjà suggéré à maintes reprises. L’échéance du début de l’an prochain est mise de l’avant publiquement depuis des mois par celle qui est aussi vice-première ministre, à travers diverses prises de parole.
«La réalité, c’est qu’on a fait une pause parce que l’OCDE et d’autres pays ont travaillé pour essayer d’établir un régime qui allait s’appliquer à travers le monde. On avait comme date butoir à la fin 2023. Malheureusement l’OCDE, les Américains, n’ont pas pu s’entendre», a ajouté M. Trudeau.
Ainsi, Ottawa «va de l’avant comme (il) avait promis de le faire», a résumé M. Trudeau.
La veille, Mme Freeland a présenté la motion de voies et moyens comme «la prochaine étape sur ce chemin».
Cette motion prépare le terrain pour un projet de loi de mise en oeuvre de l’énoné économique d’automne.
L’éventuelle Loi sur la taxe des services numériques est promise par les libéraux depuis des années. Elle est présentée comme une façon de forcer les entreprises du numérique établies à l’étranger qui bénéficient de revenus au Canada de faire leur part en les soumettant à une taxe de 3 %.
La députée libérale Sophie Chatel, qui a déjà travaillé auprès de l’OCDE, a souligné mardi, en entrevue, que des pays comme la France, le Royaume-Uni et l’Autriche imposent déjà les revenus des grandes entreprises du numérique dans leur juridiction.
Elle a affirmé que «chaque année» qui passe sans imposition au Canada équivaut à des «revenus qui sont perdus», faisant ainsi échos à des commentaires similaires de la ministre Freeland.